Le vendredi 12 décembre 2014, l’auteur libanaise Zeina Abirached est venue nous parler de son enfance à Beyrouth ,de son travail d’artiste ,du 9e art et de ses projets avec beaucoup de gentillesse et d’enthousiasme.
Elle nous a fait cadeau d’un dessin qui vient s’ajouter au couloir des artistes qui mène de la salle des professeurs au CDI.
Merci à elle !
A gauche de Zeina, nous pouvons voir le panneau que les élèves du club lecture ont réalisé pour elle : des souvenirs d’enfance sur le thème du « Je me souviens » de George Pérec en hommage à la bande dessinée au titre éponyme « Je me souviens » de Zeina Abirached.
L’auteur nous explique la création d’une planche extraite du « Jeu des hirondelles : partir, revenir ».
« J’ai trouvé ce titre écrit sur un mur de Beyrouth alors que j’étais enfant et que la guerre civile faisait partie de notre quotidien », nous dit -elle.
« J’ai quitté le Liban pour venir vivre en France mais ma famille continue de résider là-bas. C’est ici où j’avais davantage de recul que j’ai eu le plus besoin d’écrire sur ce que j’avais vécu »
« Cette page représente la rue de l’ immeuble de mon enfance séparée en deux par la guerre civile »
Voici l’interview qu’ont réalisé les élèves du club lecture lors de cette rencontre
Question 1: Les personnages du «Jeu des hirondelles» ont-ils vraiment existé ? Ernest Challita a -t-il vraiment existé ( son frère est-il vraiment mort?)
Possédait-il un si large choix de cravates?
Zeina Abirached: « Oui, ces personnages ont vraiment existé , Ernest Challita est quelqu’un qui a beaucoup marqué mon enfance. Ce professeur de français aimait nous jouer des scènes de théâtre pour nous divertir et savait chasser nos peurs lorsque nous étions tous réunis dans la même pièce de notre appartement pour nous protéger (nous-mêmes et nos voisins) des tirs durant la guerre civile au Liban.
Il était d’une élégance incroyable et possédait effectivement une grande collection de cravates.
Cela a été difficile pour lui lorsque son frère jumeau a été abattu: ils vivaient ensemble et étaient inséparables.
Question 2: Vous dessinez surtout les visages-très peu les personnages en pied-Pouvez-vous expliquer les raisons de ce choix?
Zeina Abirached: «En réalité, je ne me suis jamais vraiment posé la question . Cela vient peut être du fait que les scènes représentées sont intimes et se déroulent dans un appartement.»
Question 3: Pouvez-vous nous expliquer votre choix du noir et blanc?
Zeina Abirached: « Je n’aime pas utiliser la couleur. Je ne me sens pas très à l’aise avec leur utilisation. Une exception cependant pour l’album «Le papa-maman» mais ce n’est pas moi qui ait inventé l’histoire. C’est un auteur qui s’appelle Angelina Galvani.
Question 4: Avez-vous représenté le cadre dans l’entrée de votre appartement à l’identique?
Zeina Abirached: Oui j’ai tenté de le reproduire de manière exacte mais j’ai rajouté des détails.
Question 5: Est-ce que vous avez dramatisé ou plutôt adouci votre expérience vécue dans vos bandes dessinées?
Zeina Abirached: «Je ne pense ni avoir dramatisé ni adouci mon expérience. J’ai simplement tenté de retranscrire ce que j’avais ressenti de la manière la plus fidèle possible. Lorsque l’on parle de ses peines, cela permet de les rendre plus faciles à supporter.»
Question 6: Avez-vous été blessée physiquement pendant la guerre au Liban? Ou l’un de vos proches?
Zeina Abirached: «Je n’ai pas été blessée personnellement ni ma famille mais Victor Challita, notre voisin et frère jumeau d’Ernest a été tué comme je le raconte dans «Le Jeu des hirondelles».
Question 7: «Pouvez-vous nous parler de la ligne verte et des causes du conflit que vous avez vécu?
Zeina Abirached: «Je pense qu’il me faudrait beaucoup de temps peut être même une journée entière pour en parler.
La ligne verte représente la végétation qui séparait dans une même rue deux camps ennemis au moment de la guerre civile.
Après la guerre des 6 jours, de nombreux Palestiniens chiites (branche de la religion musulmane, l’islam) sont venus se réfugier au Liban . Cette communauté s’est développée et ne s’est pas sentie suffisamment représentée ou défendue dans les instances qui gouvernaient le pays à majorité maronites (chrétiennes). Cela est une des causes du conflit.
Question 8: «Après la guerre, êtes-vous restée au Liban, à Beyrouth?
Zeina Abirached: « J’ai fait mes études au Liban et puis vers l’âge de 25 ans, je suis venue en France où j’ai suivi une formation consacrée à l’animation à l’école nationale supérieure des arts décoratifs à Paris.
Question 9: Pouvez-vous nous expliquer le choix de vos titres «Je me souviens « et «Le Jeu des hirondelles»
Zeina Abirached: « J’ai toujours beaucoup aimé le poète français Georges Pérec qui a écrit «Je me souviens et qui avait laissé à la fin de son livre des pages blanches afin que chacun d’entre nous puisse écrire ses propres «Je me souviens».
Quant a u «Jeu des hirondelles» , il s’agit d’une inscription que j’ai vue inscrite sur un mur de Beyrouth et qui m’avait semblé très poétique et très belle dans cette ville où la guerre civile faisait rage.»
Question 10: «Que ressentez-vous aujourd’hui à la lecture de vos livres? En êtes-vous fière? Etes-vous triste en repensant à ce que vous avez vécu?
Zeina Abirached: «Je ne relis pas mes livres en général et non je ne suis pas triste parce que je pense au bonheur que j’ai trouvé et que je vis aujourd’hui.»
Question 11: «Jouez-vous souvent au tric-trac vous-même?
Zeina Abirached: « Non, je ne joue pas très souvent au tric-trac aussi appelé backgammon.» Ernest et Victor Challita adoraient ce jeu .
Question 12: «Pourquoi ne vous faites-vous pas lisser les cheveux comme vous en rêviez étant petite?
Zeina Abirached: «Je ne l’ai pas fait car je crois que je me suis enfin acceptée telle que je suis!!!»
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